Libellés

Lettre à mon appartement

16 août 2018






La gorge serrée, nous roulons à travers les vertes forêts lozériennes, pour te retrouver. Ce sera une des dernières fois, nous le savons toi et moi. Pinces d'Or aussi le sait et fait une drôle de tête pendant tout le trajet. Les sapins défilent, pressés et agiles, sans égard pour nous. Je redoute de te retrouver, à moitié vide, à moitié abandonné. Par nous.


Après ces deux heures et demi de trajet si familier, nous montons enfin l'escalier qui sent bon la vieille pierre, qui sent la terre d'ici, celle où je ne suis pas née, mais que j'ai appris malgré tout, à aimer.
En ouvrant la porte, je découvre tes murs déshabillés et ce si grand espace, tellement vide qu'il en devient presque étourdissant. Peut-être que je ressens le même sentiment que la première fois, lorsque je t'ai découvert et que tu t'es ouvert à moi, comme une évidence, malgré les travaux qui s'imposaient pour te rendre ta noblesse.

Pinces d'Or a le cœur gros, je le sais, de te quitter. C'est qu'il a travaillé dur, avec son père et le mien, pendant des mois, pour te transformer en nid parfait, prêt à accueillir notre famille, de toi se languissant. Tu es notre enfant, j'ai l'impression de t'abandonner. De te laisser orphelin, tout seul, avec tes pièces vides,  qui ne résonnent d'aucun cri, et ton parquet nu, où ne roule aucun jouet. Pourtant, bientôt, ici, une famille.... Autre que nous.

Qu'il est dur ce moment. J'erre dans les pièces une à une, comme une passante qui cherche une adresse. Les chambres des enfants pleurent leurs petits occupants bruyants. Je les entends pourtant courir sur le parquet, joyeux petits fantômes.

C'est pour la bonne cause. Bientôt une maison. Notre maison, peuplée de cigales et de ciel bleu. Des senteurs de thym et de romarin. De l'herbe sèche qui craquera sous mes pieds et me rappellera que je suis enfin chez moi. Mais dans mon cœur, toujours une place pour toi.

Alors je te regarde une dernière fois et j'écoute le silence assourdissant des murs qui s'ennuient. En fait, c'est toi qui nous laisses orphelins. Nous étions tes enfants, tu nous as fait grandir entre tes murs. Tu nous as  protégés, tu nous as fabriqué un bonheur sur mesure. Et aujourd'hui, tu t'apprêtes à accueillir d'autres enfants. Qu'ils vont être heureux ici, dans tes bras bienveillants! Puissent-ils être aussi comblés que nous l'avons été, et cette vente sera la meilleure chose qui puisse arriver.

Tu ne nous appartiens déjà plus, je le sais. D'autres t'ont choisi, se sont de toi épris. Mais nous, nous t'appartiendrons encore. Rappelle-toi, nous sommes tes enfants. Il flottera toujours, dans le salon, un air de jazz familier et dans la salle de bain, les fragrances des matins pressés. Attention à la petite voiture rouge qui traîne dans le couloir. Ca gambade de partout, on ne peut pas les en empêcher. Même les murs, lorsqu'ils sont dénudés, se renvoient, comme un ballon, le rire des enfants oubliés.


23 commentaires :

  1. ah heureusement la maison est à venir
    moi ça fait une dizaine d année que je suis dans cet appart
    le jour où je m en irai j aurais du mal clairement

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On s'attache vite aux endroits où l'on vit. J'adore les appartements, plus que les maisons d'ailleurs, je trouve que ça a plus de cachet. Mais je suis ravie à l'idée d'avoir un jardin.

      Supprimer
  2. Ouh la la quelle déclaration ; on sent que tu l'as aimé cet appartement. Tu risques fort de penser souvent à lui...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lorsque nous aurons une maison et qu'on aura installé notre nid, je pense que ça ira beaucoup mieux ;-)

      Supprimer
  3. Coucou ma belle. C'est magnifique ! Tu m'as mis les larmes aux yeux. C'est toujours difficile de quitter un lieu où l'on a passé des années heureuses. Mais vous serez également très bien dans notre nouvelle maison, et reparlerez avec nostalgie de votre ancien appartement. Gros bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, merci ma Lina! J'avais les larmes aux yeux en l'écrivant, mais ça m'a fait du bien de poser des mots sur cette nostalgie. Je te remercie de ton soutien et je t'embrasse <3

      Supprimer
  4. Magnifique texte! J'en ai la gorge serrée en te lisant. Je t'embrasse ma belle!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci ma Lise! J'avais la gorge serrée en l'écrivant, je t'embrasse <3

      Supprimer
  5. Oh la la!! Moi aussi, le nez qui pique et les larmes qui montent.... tu écris si bien <3
    Mais qu'est ce que j'ai hâte :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci ma soeusoeur! J'ai tellement hâte moi aussi! Gros bisous

      Supprimer
  6. Comme il est beau ton texte !
    Je vous souhaite beaucoup de bonheur dans votre nouvelle maison ! ♥
    Christine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Christine! Ca m'a fait beaucoup de bien de l'écrire et de mettre des mots dessus. Je t'embrasse <3

      Supprimer
  7. Cela me fait penser à un texte de Pagnol, c'est magnifique.
    J en suis à 14 déménagements pour suivre un mari fonctionnaire et je te comprends tout à fait. Bon courage pour la dernière ligne droite

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, la comparaison me flatte énormément, merci beaucoup Marie! 14 déménagements, c'est fou... J'imagine que tu dois t'efforcer de ne pas t'attacher trop aux lieux.... C'est un autre mode de fonctionnement du coup.

      Supprimer
  8. Tes mots sont à la fois simples et percutants. C'est magnifique. J'espère que ton prochain chez-toi déclenchera le même attachement!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour le compliment! Je suis sûre que je trouverai chaussure à mon pied ;-)

      Supprimer
  9. Quelle belle lettre ! Je suis sûre que ton appartement a adoré vous accueillir et lui aussi est désormais prêt à accueillir d'autres personnes. Vous serez bien dans votre nouvelle maison ! :D

    RépondreSupprimer
  10. Ta petite lettre est très émouvante et superbement écrite ! C'est la saison des déménagements; et ton texte (et celui de Sarah d'ailleurs) m'a replongé un an en arrière quand nous aussi, nous quittions notre appartement, celui qui avait vu naitre nos enfants et accessoirement notre amour. Bon enfin non en vrai c'était pas le premier mais bon on s'est marié là bas, donc aux yeux de la loi c'est le cas. Mais on s'en fout. Bref.
    Donc oui clairement, quitter un lieu si chargé émotionnellement ce n'est pas rien; j'avais aussi voulu en faire un article mais je n'avais pas trouvé les mots ! J'espère en tout cas que vous trouverez vite votre futur nid - d'après ce que je viens de lire sur insta la recherche n'est pas si évidente - ! Je crois au destin immobilier (beaucoup moins sentimental, c'est normal docteur ?!) et pour avoir à chaque fois cherché des mois voire des années durant; je pense que ce que l'on a fini par trouver était ce qui nous était destiné, juste ce qu'il nous fallait ! Je suis sure que la perle rare vous attend quelque part (espérons juste qu'elle ne se cache pas trop longtemps) Tiens nous au courant :-) Bon courage et belle nouvelle vie Montpelliéraine à la famille Pruno !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense être très pragmatique et pas trop idéaliste, du coup, je suis vraiment ouverte à tout et je ne pense pas être trop exigente. C'est peut-être un défaut d'ailleurs. Du coup, je pense que les recherches risquent d'être rapides:) Merci pour ton message ma loutre.

      Supprimer
  11. Tu verras, lorsque l'on quitte un appart pour une maison, il y a un "effet de cliquet" : on ne veut plus revenir en arrière, plus jamais ! C'est bien agréable d'avoir une maison avec jardin. A bientôt !

    RépondreSupprimer
  12. Très beau texte ! Cela me rappelle la maison de mon enfance ♡
    Même après toutes ces années je ne l'ai pas oubliée et je regrette vraiment que nous en soyons partis.

    Bon courage pour la transition et plein de belles choses pour la suite ! =)

    RépondreSupprimer
  13. Merci d'avoir partagé cette lettre. les murs de ton appartement ne t'oublieront pas :)

    RépondreSupprimer

Dis-moi des mots doux...