La gorge serrée, nous roulons à
travers les vertes forêts lozériennes, pour te retrouver. Ce sera
une des dernières fois, nous le savons toi et moi. Pinces d'Or aussi
le sait et fait une drôle de tête pendant tout le trajet. Les
sapins défilent, pressés et agiles, sans égard pour nous. Je
redoute de te retrouver, à moitié vide, à moitié abandonné. Par
nous.
Après ces deux heures et demi de
trajet si familier, nous montons enfin l'escalier qui sent bon la
vieille pierre, qui sent la terre d'ici, celle où je ne suis pas
née, mais que j'ai appris malgré tout, à aimer.
En ouvrant la porte, je découvre tes
murs déshabillés et ce si grand espace, tellement vide qu'il en
devient presque étourdissant. Peut-être que je ressens le même
sentiment que la première fois, lorsque je t'ai découvert et que tu
t'es ouvert à moi, comme une évidence, malgré les travaux qui
s'imposaient pour te rendre ta noblesse.
Pinces d'Or a le cœur gros, je le
sais, de te quitter. C'est qu'il a travaillé dur, avec son père et
le mien, pendant des mois, pour te transformer en nid parfait, prêt
à accueillir notre famille, de toi se languissant. Tu es notre
enfant, j'ai l'impression de t'abandonner. De te laisser orphelin,
tout seul, avec tes pièces vides, qui ne résonnent d'aucun cri, et
ton parquet nu, où ne roule aucun jouet. Pourtant, bientôt, ici,
une famille.... Autre que nous.
Qu'il est dur ce moment. J'erre dans
les pièces une à une, comme une passante qui cherche une adresse.
Les chambres des enfants pleurent leurs petits occupants bruyants. Je
les entends pourtant courir sur le parquet, joyeux petits fantômes.
C'est pour la bonne cause. Bientôt une
maison. Notre maison, peuplée de cigales et de ciel bleu. Des
senteurs de thym et de romarin. De l'herbe sèche qui craquera sous
mes pieds et me rappellera que je suis enfin chez moi. Mais dans mon
cœur, toujours une place pour toi.
Alors je te regarde une dernière fois
et j'écoute le silence assourdissant des murs qui s'ennuient. En
fait, c'est toi qui nous laisses orphelins. Nous étions tes enfants,
tu nous as fait grandir entre tes murs. Tu nous as protégés, tu nous
as fabriqué un bonheur sur mesure. Et aujourd'hui, tu t'apprêtes à accueillir
d'autres enfants. Qu'ils vont être heureux ici, dans tes bras
bienveillants! Puissent-ils être aussi comblés que nous l'avons
été, et cette vente sera la meilleure chose qui puisse arriver.
Tu ne nous appartiens déjà plus, je
le sais. D'autres t'ont choisi, se sont de toi épris. Mais nous, nous t'appartiendrons encore.
Rappelle-toi, nous sommes tes enfants. Il flottera toujours, dans le
salon, un air de jazz familier et dans la salle de bain, les
fragrances des matins pressés. Attention à la petite voiture rouge
qui traîne dans le couloir. Ca gambade de partout, on ne peut pas
les en empêcher. Même les murs, lorsqu'ils sont dénudés, se renvoient, comme un ballon, le rire des enfants oubliés.
ah heureusement la maison est à venir
RépondreSupprimermoi ça fait une dizaine d année que je suis dans cet appart
le jour où je m en irai j aurais du mal clairement
On s'attache vite aux endroits où l'on vit. J'adore les appartements, plus que les maisons d'ailleurs, je trouve que ça a plus de cachet. Mais je suis ravie à l'idée d'avoir un jardin.
SupprimerOuh la la quelle déclaration ; on sent que tu l'as aimé cet appartement. Tu risques fort de penser souvent à lui...
RépondreSupprimerLorsque nous aurons une maison et qu'on aura installé notre nid, je pense que ça ira beaucoup mieux ;-)
SupprimerCoucou ma belle. C'est magnifique ! Tu m'as mis les larmes aux yeux. C'est toujours difficile de quitter un lieu où l'on a passé des années heureuses. Mais vous serez également très bien dans notre nouvelle maison, et reparlerez avec nostalgie de votre ancien appartement. Gros bisous
RépondreSupprimerOh, merci ma Lina! J'avais les larmes aux yeux en l'écrivant, mais ça m'a fait du bien de poser des mots sur cette nostalgie. Je te remercie de ton soutien et je t'embrasse <3
SupprimerMagnifique texte! J'en ai la gorge serrée en te lisant. Je t'embrasse ma belle!
RépondreSupprimerMerci ma Lise! J'avais la gorge serrée en l'écrivant, je t'embrasse <3
SupprimerOh la la!! Moi aussi, le nez qui pique et les larmes qui montent.... tu écris si bien <3
RépondreSupprimerMais qu'est ce que j'ai hâte :-)
Merci ma soeusoeur! J'ai tellement hâte moi aussi! Gros bisous
SupprimerComme il est beau ton texte !
RépondreSupprimerJe vous souhaite beaucoup de bonheur dans votre nouvelle maison ! ♥
Christine
Merci Christine! Ca m'a fait beaucoup de bien de l'écrire et de mettre des mots dessus. Je t'embrasse <3
SupprimerCela me fait penser à un texte de Pagnol, c'est magnifique.
RépondreSupprimerJ en suis à 14 déménagements pour suivre un mari fonctionnaire et je te comprends tout à fait. Bon courage pour la dernière ligne droite
Oh, la comparaison me flatte énormément, merci beaucoup Marie! 14 déménagements, c'est fou... J'imagine que tu dois t'efforcer de ne pas t'attacher trop aux lieux.... C'est un autre mode de fonctionnement du coup.
SupprimerTes mots sont à la fois simples et percutants. C'est magnifique. J'espère que ton prochain chez-toi déclenchera le même attachement!
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour le compliment! Je suis sûre que je trouverai chaussure à mon pied ;-)
SupprimerQuelle belle lettre ! Je suis sûre que ton appartement a adoré vous accueillir et lui aussi est désormais prêt à accueillir d'autres personnes. Vous serez bien dans votre nouvelle maison ! :D
RépondreSupprimerMerci ma Roberta! Je t'embrasse!
SupprimerTa petite lettre est très émouvante et superbement écrite ! C'est la saison des déménagements; et ton texte (et celui de Sarah d'ailleurs) m'a replongé un an en arrière quand nous aussi, nous quittions notre appartement, celui qui avait vu naitre nos enfants et accessoirement notre amour. Bon enfin non en vrai c'était pas le premier mais bon on s'est marié là bas, donc aux yeux de la loi c'est le cas. Mais on s'en fout. Bref.
RépondreSupprimerDonc oui clairement, quitter un lieu si chargé émotionnellement ce n'est pas rien; j'avais aussi voulu en faire un article mais je n'avais pas trouvé les mots ! J'espère en tout cas que vous trouverez vite votre futur nid - d'après ce que je viens de lire sur insta la recherche n'est pas si évidente - ! Je crois au destin immobilier (beaucoup moins sentimental, c'est normal docteur ?!) et pour avoir à chaque fois cherché des mois voire des années durant; je pense que ce que l'on a fini par trouver était ce qui nous était destiné, juste ce qu'il nous fallait ! Je suis sure que la perle rare vous attend quelque part (espérons juste qu'elle ne se cache pas trop longtemps) Tiens nous au courant :-) Bon courage et belle nouvelle vie Montpelliéraine à la famille Pruno !
Je pense être très pragmatique et pas trop idéaliste, du coup, je suis vraiment ouverte à tout et je ne pense pas être trop exigente. C'est peut-être un défaut d'ailleurs. Du coup, je pense que les recherches risquent d'être rapides:) Merci pour ton message ma loutre.
SupprimerTu verras, lorsque l'on quitte un appart pour une maison, il y a un "effet de cliquet" : on ne veut plus revenir en arrière, plus jamais ! C'est bien agréable d'avoir une maison avec jardin. A bientôt !
RépondreSupprimerTrès beau texte ! Cela me rappelle la maison de mon enfance ♡
RépondreSupprimerMême après toutes ces années je ne l'ai pas oubliée et je regrette vraiment que nous en soyons partis.
Bon courage pour la transition et plein de belles choses pour la suite ! =)
Merci d'avoir partagé cette lettre. les murs de ton appartement ne t'oublieront pas :)
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